Parmi les marques les plus énigmatiques et les plus originales de l’histoire de l’automobile, Bugatti est un nom synonyme d’excellence.
Au cours des vingt années qui se sont écoulées entre les deux guerres mondiales, l’excentrique Ettore Bugatti, en collaboration avec son brillant fils Jean, a fait passer la production automobile du stade de travail utilitaire des ingénieurs à celui d’une véritable quête artistique. Chaque bijou Bugatti porte l’empreinte inimitable de son créateur et possède les qualités que l’on espère trouver dans toute automobile : un style inspiré, une ingénierie supérieure, une fabrication de qualité et des performances de pur-sang.
L’apogée de la production Bugatti a été le Type 57S, un modèle qui est apparu en 1936 comme un complément plus sportif du Type 57 standard. La désignation « S » signifiant surbaissé, cette nouvelle Bugatti radicale a été inspirée par le Grand Prix Type 59 et développée comme une machine haute performance sans compromis – plus légère, plus rapide et plus avancée techniquement que le Type 57 déjà superbe.
La base de la Type 57S était un châssis spécialisé, avec des longerons en forme de gondole. Cette conception permettait non seulement de monter le moteur plus près du sol – abaissant ainsi le centre de gravité de la voiture – mais elle était aussi nettement plus légère que le châssis standard de la Type 57. La section arrière comportait une ingénieuse ouverture oblongue dans chaque rail latéral, permettant à l’essieu arrière de passer à travers le châssis, ce qui abaissait encore plus la voiture.
La suspension avant de la Type 57S était également très astucieuse, utilisant une configuration semi-indépendante d’un essieu creux en deux parties avec des extrémités coniques usinées avec précision et maintenues à l’intérieur d’un collier central moleté. Cet essieu avant non conventionnel travaillait de concert avec des amortisseurs de Ram très complexes qui, grâce à une combinaison de pression hydraulique et de disques métalliques multidisques, fournissaient un amortissement immédiat et extrêmement efficace. Lorsque cette technologie est apparue dans les années 1930, un seul amortisseur de Ram, composé d’environ 300 pièces, coûtait à peu près le même prix qu’une voiture ordinaire d’entrée de gamme.
Pour ce nouveau châssis, Bugatti a révisé en profondeur son moteur de 3,3 litres à double arbre à cames en utilisant de nombreuses techniques de la voiture de Grand Prix. Un système sophistiqué de lubrification par carter sec avec réservoir déporté permet de monter le moteur plus bas dans le châssis et d’assurer une alimentation en huile régulière dans les virages serrés. Des pistons à haute compression et une mise au point minutieuse ont permis de gagner 20 à 25 ch par rapport au Type 57, tandis qu’une magnéto Scintilla Vertex haute performance remplaçait le distributeur plus conventionnel du modèle standard. Un système d’échappement léger a été conçu pour mieux répondre au caractère sportif de la voiture, se terminant par une rangée de cinq sorties d’échappement de petit diamètre. En version à aspiration normale, la Type 57S offrait des performances exceptionnelles. La variante « C » suralimentée, d’une puissance d’environ 200 ch, comptait parmi les voitures de série les plus rapides construites avant la Seconde Guerre mondiale.
Les proportions extrêmes du châssis de la Type 57S offrent à Jean Bugatti et à d’autres carrossiers de nouvelles possibilités. Grâce à son châssis surbaissé et à sa mécanique efficace, la carrosserie d’une Type 57S est plus basse de plusieurs centimètres que celle d’une Type 57 de style comparable. De plus, la ligne basse du capot de la voiture permettait aux ailes de dépasser la calandre ovale et pointue, tandis que la carrosserie enveloppait complètement le châssis. Le résultat est une voiture qui semble incroyablement basse et dramatique de l’extérieur, avec une vue sublime depuis le siège du conducteur.
La Bugatti Type 57S était l’une des voitures les plus performantes de son époque, et sa variante de compétition, la Type 57G Tank, était une preuve supplémentaire du concept, avec deux victoires aux 24 heures du Mans et plusieurs records de vitesse internationaux à son actif. Les performances exceptionnelles de la 57S ont attiré une clientèle d’élite – un véritable who’s who de la royauté automobile des années 1930.
Au total, Bugatti n’a construit que 42 exemplaires de la Type 57S entre l’automne 1936 et le printemps 1938. Comme la Type 57 standard, le modèle surbaissé pouvait être acheté en tant que châssis nu et fourni à des carrossiers externes tels que Vanvooren, Gangloff et Corsica. Les exemplaires les plus célèbres étaient cependant équipés de carrosseries conçues par Jean Bugatti et construites à Molsheim. Dans cette catégorie, on trouve les incomparables Atalante et Atlantic, largement considérées comme deux des designs automobiles les plus attrayants, les plus influents et les plus reconnaissables de tous les temps. Au total, seuls 17 châssis de Type 57S ont été équipés de la carrosserie Atalante, un design envoûtant qui porte le nom de l’héroïne de la mythologie arcadienne.
La Type 57S Atalante proposée ici, châssis 57573, est l’un des derniers exemplaires construits. Selon les archives de l’usine, elle a été achevée en septembre 1937, équipée du moteur no. 37S et de la carrosserie Atalante no. 16. D’origine, l’Atalante a été livrée neuve au colonel Sorel, concessionnaire officiel de Bugatti à Londres, en bleu sur cuir havane et équipée de jantes chromées.
Peu après son achèvement, mais avant son arrivée en Angleterre, 57573 a été présentée sur le stand Bugatti au Salon de l’Automobile, qui se tient chaque année au majestueux Grand Palais de Paris. Après plusieurs jours d’exposition à Paris, la Bugatti est transportée à Londres, où elle est présentée au Earls Court Motor Show du 14 au 23 octobre 1937.
Ce châssis 57573 est L’un des 17 modèles de Type 57S dotés de la carrosserie Atalante conçue par Jean Bugatti.
Estimée entre 9 et 11 000 000 $.