Cet extraordinaire cabriolet Alfa Romeo 6C 2500 Sport « modello esclusivo » ne doit ses lignes, tracées en 1947, à nul autre qu’au talentueux Mario Felice Boano. C’est le dernier de quatre cabriolets art déco hors série, dont seuls deux ont survécu.

Cet élégant cabriolet, entièrement restauré, a logiquement remporté la catégorie Gentleman’s Sports Car à la Villa d’Este en 2012. C’était sans doute son destin, car 65 ans auparavant, un de ses homologues avait remporté la Coppa d’Oro et l’Artistica Cerbiatta pour sa carrosserie alors flambant neuve, en 1947. Avec un tel pedigree, on ne s’étonnera pas que ce cabriolet ait figuré dans le numéro de janvier 2013 du magazine Ruotteclassiche, dans un article intitulé Un Ballo in Maschera – Un bal masqué.

L’ascendance du modèle Alfa Romeo 6C à moteur six cylindres remontait à 25 ans, de la 6C 1500 de 1927 jusqu’à la 6C 2500 Freccia d’Oro, dont la production avait pris fin en 1952. La marque Alfa Romeo peut à juste titre s’enorgueillir d’un statut légendaire et d’un rang élevé dans la hiérarchie des constructeurs. Elle survécut à la guerre bien que l’usine du Portello ait été complètement détruite par les bombes. Heureusement, l’outillage et les moules avaient été épargnés et la production reprit en 1946 après que 8 000 ouvriers aient reconstruit l’usine. À cette époque, les 6C 2500 étaient les voitures italiennes les plus chères, la plupart d’entre elles étant carrossées par Touring de Milan, d’autres carrossiers se chargeant de créer des versions personnalisées.

La voiture présentée ici est l’un de ces modèles spéciaux, particulièrement rare, de cette catégorie exclusive. Mario Felice Boano avait repris la carrosserie Ghia après la mort de Giacinto Ghia, en 1944. Les ateliers Ghia avaient aussi été bombardés, en 1943, puis reconstruits. Les quatre cabriolets réalisés par Ghia diffèrent par de menus détails, mais se distinguent par leur excellente qualité de construction. Il s’agit du dernier des quatre construits et le seul en Europe. L’un a été détruit, un second, remanié, est méconnaissable et un troisième est au Japon.

Ce cabriolet à numéros concordants est équipé du six cylindres à double arbre à cames en tête de 2 443 cc conçu par le légendaire Vittorio Jano. Avec sa culasse en aluminium et son bloc en acier, le coupleux moteur développe 95 ch et propulse la voiture à près de 160 km/h. La boîte à quatre rapports est commandée par un levier au volant.

Le dessin de Boano est toujours aussi spectaculaire après 65 ans. La carrosserie en aluminium est parfaitement ajustée sur une structure de petits tubes en acier, perforés pour gagner du poids. L’ensemble est très rigide pour éviter toute torsion et les serrures de portes sont conçues pour offrir une étanchéité maximale. Les ailes avant plongeantes adoptent une longue courbe descendante depuis leur sommet, au-dessus des phares carénés, jusqu’au pare-chocs arrière en trois éléments. Le pare-chocs avant en acier inoxydable, constitué de six éléments, forme une partie de la calandre, complétée par de petites entrées d’air, regroupées juste au-dessus, qui n’auraient pas été déplacées six ou sept ans plus tard. La voiture se reconnaît instantanément à son écusson Alfa Romeo, mais on ne trouve nulle part sur l’avant aérodynamique la calandre en forme d’écu, typique de la marque.

Les quatre voitures ont apparemment été livrées à Rome où celle-ci fut vendue en 1949. Elle arbore toujours sa plaque d’immatriculation originale, Roma 118253. La voiture disparaît ensuite – restant probablement dans les mêmes mains – pendant 21 ans. Puis, en 1970, elle est repérée chez un concessionnaire du nom de Barberini. Quality Cars, un spécialiste renommé de Padoue, l’a restaurée dans sa livrée gris perle d’origine avec son intérieur en cuir rouge foncé, il y a dix ans. Le tableau de bord est peint en rouge foncé pour s’harmoniser avec le cuir et les compteurs sont également peints pour être assortis à l’intérieur.
L’habitacle est tout simplement spectaculaire, avec des panneaux et des garnitures parfaitement ajustés, soulignés par des parements de laiton chromés. Le magnifique volant n’aurait pas dépareillé un concept car d’un Motorama des années 1950 – un clin d’œil aux liens étroits entre Ghia et Chrysler et aux 17 concept cars qui attirent encore aujourd’hui les spectateurs de tous les concours d’élégance du monde. Extérieurement, la voiture affiche une sobre élégance pour mieux mettre en valeur les courbes de sa carrosserie avec des feux arrière parfaitement intégrés et des flèches de direction de chaque côté. Les carénages vitrés des phares ont été réalisés à la main et épousent la courbure de l’aile.

Toujours dans un état impeccable avec mécanique à l’avenant, immatriculée en Italie, certifiée par la FIVA, ce cabriolet Alfa Romeo art déco attire les foules partout où il apparait.

Cette auto exclusive (Châssis 915358) a été adjugée 264 000 € en février 2015 à Paris.