Lorsqu’elle est présentée en mars 1970 au Salon de Genève, la nouvelle Citroën SM marque les esprits. Sa ligne d’une incontestable élégance est due au crayon inspiré du styliste maison Robert Opron. La puissance de son moteur 6 cylindres en V et son incomparable confort dû à la suspension hydropneumatique la placent d’emblée en tête des GT de série. Depuis, la Citroën SM est consacrée dans l’histoire de l’automobile comme la seule GT 2+2 française de série des années 70.
Il est évident qu’une telle auto ne pouvait laisser insensible les carrossiers. Aucun cabriolet n’étant inscrit au programme officiel du constructeur, la carrosserie Henri Heuliez proposa en octobre 1971 au Salon de Paris une intelligente version, compromis entre coupé et cabriolet, doté d’un toit escamotable en deux parties distinctes. La solution choisie permettant de conserver une poutre centrale longitudinale qui assurait à l’auto une vraie rigidité en cas de retournement, tout en permettant de bénéficier des joies de la conduite en plein air. Chaque coté du toit ouvrant est composé de plusieurs lamelles qui s’effacent tel un store dans la poutre centrale. Le tout est animé, pour chaque côté indépendamment, par un mécanisme à commande électrique.
Pour la circonstance, la voiture se nomme SM « Espace » et fut exposé au Salon de Paris 1971. Elle bénéficie d’une sellerie spécifique en daim mariant le blanc au vert dans les teintes typiques des années 70, possède un toit en T (système breveté Heuliez), une lunette arrière à lamelles, des enjoliveurs spéciaux en aluminium poli, un échappement de section carrée, et elle arbore une peinture couleur aubergine (y-compris le boîtier de l’éclairage de la plaque d’immatriculation arrière).
L’accueil du public fut enthousiaste. La SM Espace aura droit aux colonnes de tous les magazines spécialisés de l’époque, Auto-Journal, l’Automobile Magazine, Action Automobile et Touristique, etc.
La même voiture apparaît ensuite au Salon de Bruxelles en février 1972, sur le stand officiel de Citroën, avec plusieurs modifications : l’intérieur a été remplacé par un intérieur en cuir de série, le tableau de bord et d’autres éléments avaient été remplacés par leur finition habituelle noir/gris, les lamelles de la lunette arrière ont disparu, et des enjoliveurs standard ont été installés.
On suppose que ces changements ont été effectués pour convaincre Citroën de la viabilité de l’Espace en tant que modèle de production. Cependant, après le salon de l’automobile de Bruxelles, Citroën a décidé de ne pas produire l’Espace, et M. Heuliez a donc décidé de garder la voiture pour lui. La couleur préférée de Mme Heuliez étant le bleu delta (couleur Citroën AC640), l’Espace a été repeint en conséquence.
Au cours de la période 1985-2007, l’Espace a fait plusieurs apparitions en 1985 lors du premier meeting de l’ICCCR (International Citroën Car Club Rallye), en 1988 à l’entrée du siège social de Citroën à Neuilly-sur-Seine, puis en 1989 et 2004 sur le stand du Citroën SM Club de France au salon Rétromobile. A cette occasion, l’Espace a été repeinte toujours en Bleu Delta par les membres du SM Club de France, en raison de la dégradation de la peinture existante.
En 1972, un second exemplaire est réalisé pour l’usage personnel d’Henri Heuliez lui-même, et peint dans sa couleur fétiche, le bleu métallisé. Elle représente parfaitement le premier jalon de la longue et fructueuse recherche de la carrosserie Heuliez pour faire bénéficier les automobiles de série de la joie de la conduite en plein air en toute sécurité. A ce titre, cette automobile a bénéficié récemment d’une inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, signant ainsi son caractère exceptionnel et incontournable dans l’histoire de l’automobile française.
Le moteur V6 de 2 670 cc est alimenté par 3 carburateurs double-corps Weber 42 DCNF et affiche 170ch DIN à 5500 tr/mn
Cette automobile exceptionnelle (Châssis n° 00SB6200), tant historiquement que techniquement, a été adjugée 109 605 € au Mans en 2012.
Lors de sa vente aux enchères organisée en 2012 des voitures et prototypes encore en possession d’Heuliez, dont la SM Espace, Artcurial mentionne que la SM Espace originale a été détruite.
Cette confusion s’explique par le fait qu’en 1971, Heuliez a reçu non seulement une SM normale, mais aussi une carrosserie SM nue. La carrosserie nue a été utilisée pour effectuer les tests nécessaires à la mise au point du toit en T breveté par Heuliez. Une fois le système de toit en T conçu et testé sur la carrosserie nue, celle-ci a en effet été détruite.
Le fait que cette SM Espace soit la voiture originale exposée au Salon de l’Automobile est confirmé par les traces de la couleur aubergine d’origine qui subsistent à divers endroits : derrière les feux arrière, derrière les panneaux de porte, à l’intérieur du capot et ailleurs.
Lors de la vente aux enchères, la voiture a été acquise par M. Joannon, un ancien concessionnaire Citroën/SM, qui a effectué de nombreux travaux d’entretien en retard. Il a modifié les moyeux de roue de série pour les équiper de roues Resine. Ces roues sont fabriquées à partir d’un plastique renforcé de fibres et sont encore uniques aujourd’hui. Elles étaient en option sur la Citroën SM depuis mars 1972.
A la demande d’un bon ami et client de M. Heuliez, une « deuxième SM Espace » a été fabriquée. Elle appartient aujourd’hui à un Français résidant dans le nord de la France. LA voiture est bicolore : blanc (Blanc Meije) avec une capote noire.
Entre 2012 et 2018, la voiture est apparue à plusieurs reprises, notament au Concours de Chantilly en 2015.
En mai 2019, une restauration complète a donc été entreprise, au cours de laquelle M. Yves Dubernard, chef designer chez Heuliez en 1971 et responsable du projet Espace, a été d’une aide précieuse, afin de remettre cette SM Espace dans sa configuration d’origine, telle que vue au Salon de l’Automobile de Paris en 1971. La restauration s’est achevée fin février 2021 et la voiture est excatement telle qu’elle a été présentée en 1971.
Cette seconde SM Espace